Ce colloque transdisciplinaire a pour point de départ la collection Neff de poupées noires en tissu faites main, vraisemblablement par des Africaines-Américaines entre 1840 et 1940, et d’un ensemble de photographies de la même période montrant des enfants américains avec leurs poupées. En anglais et français avec traduction simultanée.
Un colloque organisé avec la Maison Rouge, suite à la proposition de Nora Philippe, la commissaire de l’exposition « Black Dolls » (23 février – 20 mai 2018 à la Maison Rouge) et de Paula Aisemberg, directrice de la Maison Rouge. Il se propose d’analyser, de documenter et de questionner un jouet qui malgré son universalité et son importance considérable dans la formation de l’enfant voire d’une société, reste un sujet d’étude très minoritaire. En quoi la poupée a été aux Etats-Unis, au 19e siècle et dans la première partie du 20e, un objet, pluriel et complexe, traversé par les tensions raciales et sociales du pays ? Si les poupées dominantes véhiculaient des représentations caricaturales et dégradantes, ou bien étaient « simplement » calquées sur le modèle européen et colorées de noir, la fabrication de poupées noires uniques, réalistes ou stylisées, personnalisées et destinées à être transmises, ressortit à une pratique de résistance, qui fut progressivement théorisée et promue dans les années 1910 par des intellectuels africains-américains. Mais comment peut-on qualifier cette résistance, alors que ces créations sont peu ou pas documentées, et que leurs auteures sont anonymes ? Les poupées artisanales pourraient bien apparaître comme des objets-clefs dans l’écriture d’une histoire des femmes et artistes africaines-américaines. Sur le versant des usages, quels rôles tinrent ces poupées dans l’intimité des jeux d’enfants ? Les scénarios de jeu validaient-ils ou subvertissaient-ils l’ordre racial et social en vigueur, dans un pays esclavagiste, puis ségrégué ? La triple identité portée par ces poupées : objet d’usage quotidien; œuvre d’art (que l’on considère qu’il y ait une telle intentionnalité à l’origine ou qu’elles aient des qualités d’œuvre d’art reconnues a posteriori); et image de soi obligent à croiser des disciplines multiples: cultural studies, histoire du costume, anthropologie et histoire de l’art, gender studies, philosophie, histoire de la photographie, opèreront un va-et-vient entre la spécificité culturelle, historique et technique des poupées de la collection Neff – des textiles utilisés aux influences stylistiques africaines – et une approche théorique plus large. Cette dernière tentera une archéologie de l’objet « poupée noire » en France – à la fois fantasmatique et muséal -, une redéfinition de la poupée d’une part comme représentation résistante au sein de l’histoire des arts, et d’autre part, comme une injonction politique. Cette triple dynamique se retrouve chez certains artistes contemporains issus de diasporas africaines qui réinvestissent l’objet poupée.
Programme détaillé : https://archives.lamaisonrouge.org/documents/ProgrammecolloquemuseeduquaiBranly10237.pdf